Les « Ultramarins », ces Français « entièrement à part »
Délégué
interministériel à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer?
Derrière ce titre à rallonge, se cache une dure réalité : des
discriminations, à plusieurs niveaux, subies, dans l’Hexagone, par des
Français originaires des anciennes colonies, devenues au XXème siècle
départements ou territoires d’Outre-mer.
Cette semaine, dans le cadre de mes
activités journalistiques, j’ai eu à interviewer Sophie Élizéon, la
nouvelle Déléguée interministérielle à l’égalité des chances des
Français d’Outre-mer. Taillé sur mesure pour le Guadeloupéen Patrick Karam,
en 2007, sous l’ère Sarkozy-Fillon, le poste de Délégué doit répondre,
sur le papier, à de réelles difficultés à caractère discriminatoire
rencontrées par les Français originaires d’Outre-mer. Pour ce faire,
trois missions ont été clairement dévolues à la Délégation : « 1/Animer
et coordonner l’action sur le terrain en faveur de l’égalité des
chances des Français d’Outre-mer dans les domaines politique,
économique, social et culturel, 2/Promouvoir les mesures destinées à
faire disparaître les discriminations notamment en matière d’éducation,
d’emploi, de santé et d’accès aux responsabilités dans la société, et,
3/Veiller au suivi et à l’application des mesures prises lors des États Généraux (de l’Outre-mer) ».
Il ne s’agit pas pour moi de me pencher,
dans ce billet, sur le bilan de Karam et Siar, les deux premiers
Délégués. Car, malgré toute leur bonne volonté et certains résultats
assez intéressants, l’essentiel reste encore à faire pour assurer une
réelle égalité (des chances) des Français d’Outre-mer en France
hexagonale. Il s’agit surtout de tirer la sonnette d’alarme dans un pays
dont les gouvernements successifs refusent à tout prix de reconnaître
l’existence de communautés, en se cachant derrière la Constitution de
1958. « La République est une et indivisible ».
Mon œil ! Être Guadeloupéen,
Martiniquais, Guyanais ou même Français du Pacifique, c’est se faire
rappeler, lorsque l’on vit en France hexagonale, à chaque étape
importante de sa vie, que l’on est un Français « entièrement à part » et non « à part entière » ; pour paraphraser Aimé Césaire.
Difficultés d’accès au logement, aux
facilités bancaires, discrimination à l’emploi et difficultés d’accès
aux responsabilités, sont autant de problématiques auxquelles nous
devons faire face, nous Français « ultramarins ».Ce n’est que lorsque
j’ai débarqué à Paris après mon bac, afin de poursuivre des études
supérieures, que j’ai compris cette réalité révoltante.
Bien sûr, l’on a tous entendu parler des
discriminations subies par les étrangers en France. Mais, de nombreux
« Ultramarins » sont à mille lieues d’imaginer qu’eux aussi, dans leur
pays, ils auront aussi à être traités comme des étrangers. Car, il faut
le dire, bien souvent, ces discriminations prennent leur source dans une
xénophobie hypocrite que seuls les Français savent bien déguiser avec
des excuses bidons : « Vous êtes Guadeloupéenne, vos parents vivent
en Guadeloupe ? Mais, mademoiselle, nous n’acceptons que des garants sur
le territoire français, pour la location de notre studio », m’ont
lancé benoîtement nombre de propriétaires. Ou encore, lorsque, il y a
deux ans, j’ai essayé d’acheter, à crédit, dans quatre magasins
culturels et un magasin spécialisé, un réflex pour mes reportages: « Oui,
nous faisons le paiement par CB en quatre fois. Il suffit juste d’une
pièce d’identité, un justificatif de domicile et d’un RIB…Facture d’EDF
pour un domicile à Paris, ok…Ah ! Votre compte est en Guadeloupe ?
Désolé, mais ce ne sera pas possible, la maison de crédit ne traite
qu’avec les clients métropolitains ».
Bref, autant d’humiliations mesquines qui
peuvent, pour de nombreux Français originaires d’Outre-mer, jalonner et
rythmer toute une vie.
Subir ainsi les crachats de la République, en 2012, est tout simplement inadmissible.
Subir ainsi les crachats de la République, en 2012, est tout simplement inadmissible.
Alors, oui, une Délégation
interministérielle à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer peut
trouver sa légitimité. Mais, les Ultramarins ne sont pas les seuls à
subir ces discriminations.
Tant que la France ne se résoudra pas à sortir de cette tiédeur dans les résolutions, à mettre réellement les mains dans cet engrenage ségrégationniste sophistiqué, en instituant une positive action (discrimination positive), nous, Français d’Outre-mer, malgré toutes nos compétences et autres atouts, serons encore et toujours discriminés.
Tant que la France ne se résoudra pas à sortir de cette tiédeur dans les résolutions, à mettre réellement les mains dans cet engrenage ségrégationniste sophistiqué, en instituant une positive action (discrimination positive), nous, Français d’Outre-mer, malgré toutes nos compétences et autres atouts, serons encore et toujours discriminés.
La semaine prochaine, Sophie Élizéon sera
installée à la Délégation interministérielle à l’égalité des chances
des Français d’Outre-mer. Elle devra, comme ses prédécesseurs, inscrire
son action dans une logique acrobatique entre activisme et bras de fer
politiques. Car, le combat pour l’égalité des chances pour les Français
ultramarins est un gros morceau.
Peut-être faudra-t-il aussi une Élizéon
dans chacune des anciennes colonies. Car, comble de la discrimination,
même Outre-mer, les Ultramarins sont aussi discriminés. Douce France,
pays des Droits de l’Homme ! Mais ça, c’est une autre histoire ! Axelle...
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