dimanche 21 octobre 2012

Existe-t-il plusieurs catégories de Français?

Les « Ultramarins », ces Français « entièrement à part »

Délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer? Derrière ce titre à rallonge, se cache une dure réalité : des discriminations, à plusieurs niveaux, subies, dans l’Hexagone, par des Français originaires des anciennes colonies, devenues au XXème siècle départements ou territoires d’Outre-mer.
Sophie Élizéon, nouvelle Déléguée interministérielle à l'égalité des chances des Français d'Outre-mer
Sophie Élizéon, nouvelle Déléguée interministérielle à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer
Cette semaine, dans le cadre de mes activités journalistiques, j’ai eu à interviewer Sophie Élizéon, la nouvelle Déléguée interministérielle à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer. Taillé sur mesure pour le Guadeloupéen Patrick Karam, en 2007, sous l’ère Sarkozy-Fillon, le poste de Délégué doit répondre, sur le papier, à de réelles difficultés à caractère discriminatoire rencontrées par les Français originaires d’Outre-mer. Pour ce faire, trois missions ont été clairement dévolues à la Délégation : « 1/Animer et coordonner l’action sur le terrain en faveur de l’égalité des chances des Français d’Outre-mer dans les domaines politique, économique, social et culturel, 2/Promouvoir les mesures destinées à faire disparaître les discriminations notamment en matière d’éducation, d’emploi, de santé et d’accès aux responsabilités dans la société, et, 3/Veiller au suivi et à l’application des mesures prises lors des États Généraux (de l’Outre-mer) ».
Il ne s’agit pas pour moi de me pencher, dans ce billet, sur le bilan de Karam et Siar, les deux premiers Délégués. Car, malgré toute leur bonne volonté et certains résultats assez intéressants, l’essentiel reste encore à faire pour assurer une réelle égalité (des chances) des Français d’Outre-mer en France hexagonale. Il s’agit surtout de tirer la sonnette d’alarme dans un pays dont les gouvernements successifs refusent à tout prix de reconnaître l’existence de communautés, en se cachant derrière la Constitution de 1958. « La République est une et indivisible ».
Mon œil ! Être Guadeloupéen, Martiniquais, Guyanais ou même Français du Pacifique, c’est se faire rappeler, lorsque l’on vit en France hexagonale, à chaque étape importante de sa vie, que l’on est un Français « entièrement à part » et non « à part entière » ; pour paraphraser Aimé Césaire.
Difficultés d’accès au logement, aux facilités bancaires, discrimination à l’emploi et difficultés d’accès aux responsabilités, sont autant de problématiques auxquelles nous devons faire face, nous Français « ultramarins ».Ce n’est que lorsque j’ai débarqué à Paris après mon bac, afin de poursuivre des études supérieures, que j’ai compris cette réalité révoltante.
Bien sûr, l’on a tous entendu parler des discriminations subies par les étrangers en France. Mais, de nombreux « Ultramarins » sont à mille lieues d’imaginer qu’eux aussi, dans leur pays, ils auront aussi à être traités comme des étrangers. Car, il faut le dire, bien souvent, ces discriminations prennent leur source dans une xénophobie hypocrite que seuls les Français savent bien déguiser avec des excuses bidons : « Vous êtes Guadeloupéenne, vos parents vivent en Guadeloupe ? Mais, mademoiselle, nous n’acceptons que des garants sur le territoire français, pour la location de notre studio », m’ont lancé benoîtement nombre de propriétaires. Ou encore, lorsque, il y a deux ans, j’ai essayé d’acheter, à crédit, dans quatre magasins culturels et un magasin spécialisé, un réflex pour mes reportages: « Oui, nous faisons le paiement par CB en quatre fois. Il suffit juste d’une pièce d’identité, un justificatif de domicile et d’un RIB…Facture d’EDF pour un domicile à Paris, ok…Ah ! Votre compte est en Guadeloupe ? Désolé, mais ce ne sera pas possible, la maison de crédit ne traite qu’avec les clients métropolitains ».
Bref, autant d’humiliations mesquines qui peuvent, pour de nombreux Français originaires d’Outre-mer, jalonner et rythmer toute une vie.
Subir ainsi les crachats de la République, en 2012, est tout simplement inadmissible.
Alors, oui, une Délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer peut trouver sa légitimité. Mais, les Ultramarins ne sont pas les seuls à subir ces discriminations.
Tant que la France ne se résoudra pas à sortir de cette tiédeur dans les résolutions, à mettre réellement les mains dans  cet engrenage ségrégationniste sophistiqué, en instituant une positive action (discrimination positive), nous, Français d’Outre-mer, malgré toutes nos compétences et autres atouts, serons encore et toujours discriminés.
La semaine prochaine, Sophie Élizéon sera installée à la Délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer. Elle devra, comme ses prédécesseurs, inscrire son action dans une logique acrobatique entre activisme et bras de fer politiques. Car, le combat pour l’égalité des chances pour les Français ultramarins est un gros morceau.
Peut-être faudra-t-il aussi une Élizéon dans chacune des anciennes colonies. Car, comble de la discrimination, même Outre-mer, les Ultramarins sont aussi discriminés. Douce France, pays des Droits de l’Homme ! Mais ça, c’est une autre histoire ! Axelle...

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