vendredi 2 novembre 2012

Berlusconi, l'interminable problème de l'Europe

Berlusconi, l'interminable problème de l'Europe

LE CERCLE. Silvio Berlusconi, l'homme qui a été au centre de la vie politique italienne durant 20 ans et trois fois Premier ministre, vient d'être condamné à quatre ans de prison - une peine réduite depuis à un an. Néanmoins, que ce soit en Italie ou en Europe, peu de gens croient qu'il disparaîtra de si tôt de la scène politique italienne ou européenne.



Il y a quelques jours il a déclaré son intention de ne pas abandonner la vie politique, même s'il ne brigue pas un quatrième mandat de Premier ministre. Quel que soit le rôle qu'il choisira de jouer, il ne sera pas marginal. Peut-être ne souhaite-t-il pas être à nouveau le roi, mais contrôlant Mediaset, le principal groupe audiovisuel italien, il peut certainement être un faiseur de roi. Et comme sa popularité est au plus bas, il pourrait utiliser son joker : adopter une position anti-gouvernementale et euro-sceptique pour essayer de faire tomber le gouvernement technocratique du Premier ministre Mario Monti.
Le gouvernement Monti a succédé à celui de Berlusconi en novembre 2011, avec le soutien du Parlement et un mandat clair : restaurer la confiance des marchés et garantir à nouveau aux partenaires de la zone euro et au FMI que l'Italie ne va pas suivre le même chemin que la Grèce. Le même mois, lors du sommet du G20 à Cannes, l'Italie et l'Europe n'étaient pas loin de l'écroulement, tandis que le gouvernement Berlusconi était profondément divisé sur la politique budgétaire à suivre pour diminuer le coût du service de la dette. L'impasse politique italienne et l'incapacité de Berlusconi à parvenir à une solution avec l'Allemagne et la France ont conduit à un bond du coût du refinancement - l'écart des taux italiens par rapport à ceux des obligations allemandes dépassant en permanence 500 points de base entre juillet et novembre 2011.
Le gouvernement Monti a restauré la confiance des marchés et la crédibilité internationale de l'Italie. Mais la situation du pays reste fragile. L'écart des taux d'intérêt s'est stabilité aux alentours de 300 points de base, ce qui est plus facile à gérer, mais il est encore supérieur à ce qu'il était il y a trois ans. Par ailleurs, les perspectives de l'économie italienne restent très incertaines.
Il semble que le pays ne va pas bénéficier de la modeste reprise économique qui aura lieu un peu partout en 2013. Selon le FMI, la récession va se prolonger en Italie l'année prochaine. Le rythme de la contraction devrait être inférieur à ce qu'il est cette année (- 0,7% en 2013 contre - 2,3% en 2012), mais le chômage devrait augmenter - passant de 10,6% à 11,1%.
L'Italie doit faire davantage à court terme pour stimuler la croissance, à moyen terme pour améliorer sa position budgétaire et à long terme pour mettre en oeuvre les réformes structurelles destinées à renforcer l'économie et à la rendre plus compétitive. L'Italie se classe 43° dans le classement du Forum économique mondial, des pays les plus compétitifs, loin derrière les principaux pays de la zone euro, en raison d'investissements insuffisants (notamment en terme de capital humain) et des rigidités structurelles qui freinent la croissance depuis des années.
Contrairement à ce que dit Berlusconi, la solution aux problèmes économiques de l'Italie n'est pas une sortie de la zone euro et un retour à la flexibilité qu'apporte une monnaie nationale - ce qui a permis dans le passé de doper la compétitivité au moyen de dévaluations irresponsables. L'Italie doit apprendre à vivre avec l'euro, au sein de la zone euro, ce qui suppose qu'elle ait recours non à la dévaluation, mais à une politique de soutien à la croissance de la productivité et à l'innovation, comme principal moteur de la compétitivité.
Un gouvernement stable, compétent et responsable, disposant d'une majorité parlementaire confortable est un élément essentiel pour poursuivre la politique engagée par Monti. La transition devrait se faire en douceur, mais de nombreuses incertitudes pourraient bloquer les réformes. La principale question que l'on se pose dans la zone euro et en Italie même est de savoir si cette dernière parviendra à passer d'un gouvernement de technocrates à un gouvernement "normal".
"On peut aider l'Italie, mais pas la sauver"
Dans cette perspective, les propositions de Berlusconi pour l'Italie, et les conséquences qui en découleraient pour la zone euro, sont inquiétantes. A la moindre suspicion que l'Italie puisse retomber dans une paralysie parlementaire (comme lors des derniers mois du dernier gouvernement Berlusconi), les marchés douteront de la crédibilité du plan de consolidation budgétaire italien. Cela remettrait en question la capacité de l'Italie à refinancer sa dette. Cette dette est la plus importante de la zone euro, environ 2000 milliards d'euros, soit 120% de son PIB. Autrement dit, on peut aider l'Italie, mais pas la sauver.
L'Italie risquant l'instabilité, Monti doit veiller à ce qu'elle puisse résister à une nouvelle période de volatilité des marchés. La situation n'est pas la même qu'il y a quelques mois, car aujourd'hui la Banque centrale européenne peut intervenir et racheter la dette des pays en difficulté. Pour bénéficier de ce mécanisme, un pays membre doit déposer une demande formelle. C'est ce que l'Italie devrait faire sans délai. Il est préférable d'avoir à sa disposition un canon qui ne servira à rien que de se retrouver désarmé au mauvais moment.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

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