La Chinafrique va-t-elle tuer
la Françafrique ?
La Chine vient d'annoncer le
doublement de ses investissements en Afrique. Pour les Etats africains,
dont beaucoup ont longtemps été des partenaires clefs de la France,
Pékin est devenu un allié de choix... au détriment de l'Hexagone ?
Atlantico : La Chine et les États africains discutent actuellement de leurs relations, au cours de la conférence interministérielle du Forum de coopération Chine-Afrique (FOCAC). Pékin y a notamment annoncé jeudi le doublement de ses investissements en Afrique à hauteur de 20 milliards de dollars. La montée en puissance de la « Chinafrique » signifie t-elle la fin des relations privilégiées entre la France et de nombreux États de ce continent ?
Philippe Hugon : Malgré
des liens forts avec un certain nombre d’États africains, la France a
eu tendance, sur le long terme, à se retirer de ce continent. Le poids
des investissements, la présence militaire, tous les indicateurs vont
dans ce sens. La France a diversifié ses interventions dans le
monde, même si elle a toujours des relations privilégiées, en
particulier avec les pays francophones.
A
l'inverse de cette dynamique française, des pays émergents, notamment
la Chine, mais aussi l'Inde ou le Brésil, arrivent massivement sur le
continent africain. On peut voir les Chinois comme des
concurrents déloyaux : les questions de corruption, de non-respect des
conditions environnementales, peuvent favoriser les groupes chinois face
aux groupes français. Des contrats ont certainement été perdu par
Bouygues ou Bolloré pour ces raisons. Total doit aussi y faire face. Les
groupes de télécommunications s'affrontent aussi, France Télécom devant
faire avec une concurrence nouvelle. La diversification des partenaires
pour les États africains change la donne. L'intérêt des pays émergents
pour les ressources naturelles dont dispose le continent africain
favorise forcément la croissance de ce dernier.
Mais
en réalité, l'ensemble des investissements chinois a aussi favorisé les
activités des entreprises françaises sur place. Il y a peu de domaines
où il y a véritablement une concurrence en termes de parts de marché.
L'aide française n'est pas liée aux contrats signés par les entreprises
tricolores. La présence de ces nouveaux partenaires ne se fait donc pas
au détriment des intérêts français.
Les méthodes et les moyens employés par la Chine pour entretenir ses relations avec l'Afrique sont ils comparables avec ce qui est pratiqué par la France ?
Dans le fond, les
relations que la Chine entretient avec l'Afrique ressemble avec ce qui
se faisait en France il y a une trentaine d'années : des liens forts
dans le champs du politique, une non dissociation des liens public/privé
et une importante corruption. Le tout sans être très regardant sur les
situations environnementale et sociale.
Aujourd'hui,
l'aide française s'est largement multilatéralisée. Elle dépend de
nombreuses contraintes européennes. Paris s'appuie de manière croissante
sur des ensembles régionaux plutôt que sur des États. Elle travaille
beaucoup avec des ONG. La politique d'aide chinoise ne connaît pas tous
ces outils et repose uniquement sur des relations d’État à État.
La Chine mélange allègrement ce qu'ils appellent la coopération, les investissements productifs et l'aide à proprement dite.
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