
L’ homme qui dans l’ombre est en train de piloter Martelly
L’administration Martelly en plein dans un nouveau scandale politico-judiciaire
Révélations dévastatrices et coups de théâtre avec l’ex-commissaire
du gouvernement de Port-au-Prince, Jean Renel Sénatus, qui avoue avoir
refusé de décerner des mandats contre 36 opposants qu’exigeaient le
ministre de la justice, Jean Renel Sanon et son prédécesseur Josué
Pierre-Louis, président du CEP permanent ; Sanon dément avec fracas
alors que le gouvernement a sombré dans la confusion sur le cas d’Elco
Saint-Armand, recordman du séjour le plus court au parquet où il n’aura
passé que 24 heures
Publié le vendredi 28 septembre 2012
Haïti a vécu vendredi une journée très mouvementée au rythme d’un
méga-scandale à rebondissements ayant touché de plein fouet le parquet
de Port-au-Prince et le gouvernement Martelly/Lamothe, au cœur d’une
virulente polémique qui éclaté entre le ministre de la justice, Jean
Renel Sanon, et l’ex-commissaire du gouvernement, Jean Renel Sénatus,
révoqué pour des motifs politiques et dont le successeur, au passé
apparemment trop lourd, a été lui-même remplacé 24 heures après son
installation.
Les accusations de Me Sénatus sont particulièrement accablantes pour
l’Exécutif et l’actuel président provisoire du Conseil électoral
permanent toujours en mal de légitimité, Josué Pierre-Louis. L’ancien
commissaire « zokiki » -surnom qu’il doit à sa lutte sans merci contre
la délinquance et l’immoralité- confirme avoir été démis de ses
fonctions suite à son refus de signer des mandats d’amener devant
permettre de jeter en prison des personnages que le pouvoir juge
encombrants. Une liste de 36 noms comportant notamment ceux de Mes
Newton Saint-Juste et André Michel, deux avocats qui accusent de
corruption la famille présidentielle, lui a été soumise, a révélé
l’intéressé en mentionnant aussi le nom de Me Mario Joseph.
Les chefs d’accusation qui devaient être retenus contre eux, complot
contre la sûreté de l’Etat, association de malfaiteurs et outrage à
magistrat.
« Si ces arrestations sont opérées, le Président Martelly sera
content », lui aurait malicieusement dit l’ancien ministre de la
justice, Me Josué Pierre-Louis, devenu conseiller électoral après s’être
brûlé les ailes dans l’arrestation arbitraire du Député Arnel
Bélizaire, en octobre 2011.
Les faits se seraient passés mercredi au cours d’une réunion
consacrée à l’urgente nécessité, du point de vue du Palais National, de
mettre hors d’état de nuire en particulier les deux premiers hommes de
loi qui n’ont cessé de dénoncer des détournements de fonds du trésor
public auxquels se seraient livrés l’épouse et le fils du chef de
l’Etat, Sophia et Olivier Martelly, à la tête de deux commissions
présidentielles aux pouvoirs illimités.
N’y allant pas avec le dos de la cuillère, la sentence que réserve
Jean Renel Sénatus à son homonyme et ancien supérieur hiérarchique est
sans appel : « un homme au passé douteux et à l’avenir incertain » qui
lui aurait transmis la bagatelle de dix-sept ordres illégaux en moins de
trois mois.
Joint par Radio Kiskeya, Me Jean Renel Sanon ne s’est pas plus
montré tendre à l’endroit de l’ex-commissaire du gouvernement très
médiatisé qu’il présente comme un « menteur » et un « opportuniste ».
S’exprimant avec nervosité, il s’inscrit en faux contre ses propos et
les informations en circulation dans plusieurs milieux selon lesquels il
aurait limogé le magistrat en représailles à son refus de signer un lot
impressionnant de mandats d’amener correspondant à des objectifs
politiques précis.
Le responsable gouvernemental précise qu’il n’a pas été révoqué,
mais mis en disponibilité pour insubordination. Sous cet angle, il est
reproché à Sénatus sa tendance à ignorer les ordres et son attitude
discourtoise vis-à-vis de son ministre de tutelle, perceptible même au
téléphone.
Pour Me Sanon c’était à prendre ou à laisser, car, il n’y avait pas de place pour « deux taureaux dans la savane”.
Ce match à distance entre les deux hommes dont se sont immédiatement
emparés les médias est l’illustration parfaite d’une gouvernance très
mal inspirée dont l’amateurisme, la conception autoritaire, le déficit
républicain et la vision inadaptée aux défis des sociétés démocratiques
contemporaines s’étalent au grand jour.
Ce scandale politico-judiciaire au scénario incroyable a projeté, à
différents points de vue, une image désastreuse du pouvoir dont deux
membres n’étaient même pas capables d’accorder leurs violons sur ce qui
se passait au parquet de la capitale transformé en lieu de sacrifices où
le cynisme de l’Exécutif fait loi. Si le secrétaire d’Etat à la
communication, Guyler C. Delva, avait, dans un premier temps, annoncé le
renvoi du commissaire, Elco Saint-Armand, et son remplacement
provisoire par Jean-Claude Dabrésil, en revanche, Jean Renel Sanon a
laissé entendre que le nouveau locataire s’était volontairement retiré
après un passage express de 24 heures. Un vrai record !
Afin de préserver son « intégrité morale » face aux attaques qui
l’ont ciblé, Me Saint-Armand a « renoncé » à sa nomination et un
substitut occupe par intérim son poste, a indiqué le titulaire du
portefeuille de la justice peu de temps après une conférence de presse
du très éphémère successeur de Jean Renel Sénatus qui, pourtant, disait
tenir la corde.
Mais, sans avoir le temps de prendre connaissance de ses dossiers,
le commissaire avait envisagé de remettre sa démission au moment même où
il se défendait crânement contre des accusations faisant état de sa
révocation en 2001 comme substitut au parquet pour son implication
présumée dans la mise à sac, lors d’une perquisition domiciliaire, de la
résidence du narcotrafiquant Jacques Kétant, condamné aux Etats-Unis.
Celui-ci aurait en Haïti des partisans ayant décidé de persécuter Elco
Saint-Armand, une pauvre victime qui se serait un temps réfugiée à
l’étranger après l’incendie criminel de sa maison, en 2005.
Cependant, cette thèse n’est pas celle du Réseau national de défense
des droits humains (RNDDH). Pierre Espérance, le directeur de
l’organisation est formel, Me Saint-Armand serait bel et bien, il y a
onze ans, arrivé chez M. Kétant avant de repartir avec pas mal de choses
de valeur portées disparues depuis.
Confirmant que le parquet de la capitale, où six commissaires se
sont succédés depuis un peu plus d’un an, était une officine politique
conçue pour mettre la justice au service d’intérêts particuliers, cette
affaire symbolise tout avec éloquence, sauf l’indépendance du pouvoir
judiciaire. spp/Radio Kiskeya
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